Indochine.

Traîtres ? Déserteurs ? Les qualificatifs ne manquent pas à propos des soldats de l'armée française "passés à l'ennemi" pendant la guerre d'Indochine.

Condamnés à mort, amnistiés puis oubliés, les quelques milliers de « ralliés » au Vietminh font aujourd'hui l'objet d'un livre passionnant, fruit de la collaboration de l'historien et journaliste Joseph Confavreux avec la réalisatrice Adila Bennedjaï-Zou, déjà auteurs d'un documentaire sur ce sujet.

Afin de comprendre l'état d'esprit d'un homme prêt à s'enfoncer dans la jungle et à se battre contre ses anciens camarades, Bennedjaï-Zou et Confavreux ont retrouvé certains d'entre eux et étudié des archives éparses : légionnaires allemands antinazis ou ex-Waffen SS, anciens résistants, militants communistes et soldats révoltés par la « sale guerre », cohabitent ici avec des engagés coloniaux sensibles aux idéaux indépendantistes. Il est question de trajectoires individuelles et de longs « parcours intérieurs » sans espoir de retour, tracés par des êtres tantôt déchirés, tantôt résignés : déserteur en 1949 puis père d'une enfant prénommée France, le maréchal des logis Albert Clavier, alias « Ngoan » (« le Pacifiste »), fait partie des « soldats blancs de Hô Chi Minh » devenus, avec leurs frères d'armes issus des colonies, les « combattants internationaux » d'une armée populaire qui finit par les considérer comme un poids.

A l'heure du retour, certains firent part de leur désillusion, d'autres assumèrent : au service de la propagande du Vietminh, informateurs, cadres de l'armée populaire proches du pouvoir, chargés de « rééducation politique » dans un camp de prisonniers français ou, à l'image du brigadier-chef Chapuis, « parachutiste félon » qui lutta les armes à la main, ils illustrent surtout les divisions d'une séquence historique portant, à l'aube de la guerre froide, le traumatisme du second conflit mondial et les germes de la guerre d'Algérie.