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la france a peur !!!

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la france a peur !!! Empty la france a peur !!!

Message  niouze Jeu 30 Sep - 23:11

"En ce début de siècle, la France a peur : peur du crime, peur d'une criminalité qu'on lui dit sans précédent, peur de criminels de plus en plus nombreux. Une véritable « crise sécuritaire »."



sa vous rappelle quelques choses, les média d'aujourd'hui non?
béh pourtant c'etait y a un siecle petit retour en arriere pour mieux comprendre notre époque

La racaille de la belle époque (Jean-Marc Berlière)



Apaches parisiens, bandits d'Hazebrouck, chauffeurs de la Drôme... Les bandes font régner la terreur dans les villes et les campagnes. Tueurs en série, étrangers vagabonds, jeunes sans morale ni repères font la une des journaux. La sécurité devient un enjeu politique...


En ce début de XXe siècle, la France a peur : peur du crime, peur d'une criminalité qu'on lui dit sans précédent, peur de criminels de plus en plus nombreux. Une véritable « crise sécuritaire ». Bouleversée par la multiplication de récits anxiogènes et terrifiants dans une presse qui a « mis le sang à la une », l'opinion est convaincue que les temps n'ont jamais été aussi peu sûrs, l'Etat aussi impuissant face à une « armée du crime » qui mettrait les campagnes au pillage et terroriserait les villes.



Outre une dimension médiatique exceptionnelle, la nouveauté de cette crise tient à ses implications politiques. Fondée sur des libertés assimilées au « désordre » par de larges franges de l'opinion, la démocratie parlementaire voit mise en doute sa capacité à garantir la sécurité des citoyens. Dans le contexte de la politique anticléricale du gouvernement, les vaincus de l'affaire Dreyfus usent du sentiment d'insécurité pour attaquer un régime incapable d'assurer le premier de ces droits de l'homme dont la République ne cesse de se réclamer. Ils fondent leurs critiques sur un usage immodéré et polémique de la statistique criminelle, visant à donner l'impression que le crime augmente, alors qu'il n'a surtout jamais été autant dit, écrit, raconté, montré, invoqué. Une redondance qui, à l'heure de la « fée électricité », contribue à diffuser un sentiment de régression que l'évolution des sensibilités, la « civilisation des moeurs », l'embourgeoisement des comportements et des genres de vie rendent proprement insupportables.



« La criminalité augmente. » Telle est la conclusion en 1907 d'un débat passionné à la Société générale des prisons, appuyée par des chiffres sans appel : « [...] le nombre de crimes de sang s'est élevé de 715 (1901) à 1 075 (1905). » Les causes du mal sont facilement identifiées : « La complète disparition chez un grand nombre de jeunes gens de tout frein religieux et même moral, la publicité contagieuse des procès criminels, cette poussée d'idées fausses et de fausse sensiblerie qui se répandent partout et dans tous les milieux : magistrature, armée, personnel enseignant, cette prédilection affectée pour les pires sophismes qui a pour effet le mépris de l'autorité et la perte du sentiment du devoir. »


Si « l'affaissement des valeurs morales », la politique d'un gouvernement « sans Dieu » sont pointés du doigt, l'efficacité d'une répression « énervée » par le laxisme supposé de la justice et l'organisation de la police, également mise en cause, deviennent - c'est la première fois - des enjeux politiques et électoraux.



Les apaches, bandes de délinquants, figurent en bonne place au nombre des peurs sociales qui hantent et rongent les imaginaires, mais dans une France aux trois quarts rurale, ce sont les nomades et les bandes organisées qui pillent volent, torturent, assassinent, qui suscitent la plus grande anxiété et justifient les plus vives critiques adressées au pouvoir politique. « La première sécurité dont tout le monde sent le besoin, c'est la sécurité personnelle. Or c'est à la campagne qu'elle est la plus menacée. C'est là que le droit de propriété se trouve aussi le plus violé. C'est à nos gouvernants à établir une protection suffisante. »


Les crimes de Vacher, le « tueur de bergers » évoqué par Bertrand Tavernier dans le film Le Juge et l’Assassin, ont mis en lumière les dangers potentiels du vagabondage. Ils sont à l'origine de la véritable psychose qui entoure, à la fin du siècle, nomades et chemineaux accusés de la majorité des crimes impunis. Le juge d'instruction Emile Fourquet attribue à Vacher seize crimes et de nombreuses tentatives, tant la « méthode », les victimes, le « tour de main », les témoignages l'accablent. Par analogie, il estime que les deux tiers des crimes impunis sont le fait de vagabonds qui, en se déplaçant sans cesse, échappent à toutes les recherches. Pour Alexandre Lacassagne, la figure tutélaire de l'école française de l'anthropologie criminelle : « C'est dans ce groupe qu'il faut chercher ceux que les poursuites ou statistiques judiciaires, à propos de certains crimes, désignent comme auteurs sous le nom "d'inconnus". [...] Il faut que l'on se pénètre de cette idée : plus un pays a de vagabonds, plus il y a de crimes commis et impunis. »


Souvent confondus dans une même peur et une même réprobation, le nomade, le mendiant, le vagabond, le bohémien participent ainsi à la construction d'une figure emblématique symbole de toutes les peurs et obsessions du tournant des XIXe et XXe siècles. Estimés, en 1902, à 400 000 par la Société d'agriculture, ils deviennent une des hantises d'une France majoritairement rurale. « Extra-sociaux... parasites... anti-sociaux... anti-hygiéniques et propagateurs d'épidémies... candidats au crime... véritable danger public » : c'est ainsi que journalistes, médecins, anthropologues, pénalistes, élus évoquent des gens qu'ils considèrent comme un danger pour l'ordre, la propriété, la sûreté, la moralité et même - l'angoisse microbienne et l'anxiété pathogène nées de la révolution pastorienne rejoignant les fantasmes sécuritaires - la santé et la salubrité publics.



Mais c'est surtout leur criminalité réelle ou potentielle qui inquiète : « Le vagabondage mène au crime. Tous les errants mendient et volent », écrit un médecin. L'anthropologie criminelle confère une caution scientifique à ce discours : « Ces vagabonds ou routiers, véritables parias, sans gîte, misérables, découragés, émancipés par des théories subversives, [...] violent pour jouir, et tuent ou volent pour avoir de l'argent. »


Cette défiance, colorée de xénophobie, voire de racisme quand il s'agit des bohémiens, se nourrit de forfaits réels ou imaginaires auxquels la presse donne un retentissement sans commune mesure avec la réalité des faits. Omniprésente dans les journaux ruraux, la phobie du bohémien finit par toucher une presse nationale qui fait alors ses choux gras de l'insécurité. C'est Le Matin qui publie, le 4 mars 1907, un article titré : « Un péril errant : le bohémien. » Le Petit Journal du 8 septembre 1907 intitule « La plaie des campagnes » un article qui se termine par cette exhortation : « Qu'on débarrasse au moins nos campagnes de tous ces gens sans aveu, sans état civil, sans patrie, qui terrorisent nos villages et grugent nos paysans. »


L'émotion est à son comble quand la « caravane à pépère », dirigée par un certain « Jean Capello » - de son vrai nom Ollivier - entre en France au mois d'août 1906. Venant des Pays-Bas, grosse d'une centaine de personnes - insoumis, déserteurs, bagnards évadés, bohémiens, pour la plupart belges, suisses, allemands - , c'est une vraie bande, au sens du XVIIe siècle, divisée en petits groupes vivant de rapines, vols et larcins divers. Une grande partie de ses membres s'est donnée rendez-vous à la « frairie » de La Tremblade, en Charente-Maritime, le 2 juin 1907. Ce n'est donc pas un hasard, si la première opération, très largement médiatisée, montée par ce qui préfigure les brigades mobiles de police judiciaire, est dirigée contre ce rassemblement. Même si son bilan est extrêmement maigre, l'opération, abondamment commentée et célébrée dans tout le pays, a un retentissement énorme. Le but est de rassurer l'opinion et de lui montrer que les pouvoirs publics, le gouvernement, la République agissent.



Si le péril majeur des campagnes prend souvent l'apparence des chemineaux, vagabonds et bohémiens, les villes, à commencer par la première d'entre elles, ne sont pas épargnées par la peur. A Paris, la menace s'incarne dans des bandes de jeunes délinquants objets de toute la sollicitude - et de l'imagination - des journalistes. Les « exploits » des « apaches » - c'est ainsi que se seraient eux-mêmes surnommés ces jeunes fascinés par les récits exotiques d'une littérature à quatre sous - supposés imposer leur loi dans le Paris nocturne et semer la terreur jusque chez les policiers, sont relatés avec complaisance par une presse avide de faits crapuleux propres à effrayer les bonnes gens.



Les journaux, même les plus sérieux, multiplient entre 1901 et 1908 les rubriques aux titres évocateurs (« Paris-apache », « Le crime du jour », « Paris sur crime ») dont le résultat, sinon le but, est de persuader les lecteurs - et les électeurs - que l'impuissance de la police face à « l'armée des apaches » a fait de Paris « la propriété des bandits ». Dans un ouvrage très critique sur la préfecture de police paru en 1907, un conseiller municipal s'interroge : « Sommes-nous revenus au règne des truands ? » « Paris propriété des bandits », « La police impuissante ». Ces gros titres expriment-ils une réalité, un fantasme ou un prétexte pour attaquer un gouvernement ou un préfet de police, Louis Lépine, dont le règne commence à lasser ?



Des récits généralement sortis de l'imagination fertile des faits-diversiers évoquent avec force détails attaques nocturnes qui se multiplieraient dans Paris, règlements de comptes et batailles rangées opposant des bandes rivales descendues des hauteurs de Belleville ou des barrières. Tandis que leurs « marmites » ou « gagneuses » assurent la matérielle, les apaches améliorent l'ordinaire par l'attaque nocturne des « pékins » ou des « pantes » qu'ils « dégringolent » dans les rues désertes pour les dévaliser. Le moindre fait divers, le moindre tapage nocturne, grossi, dénaturé, transformé en roman-feuilleton pour captiver le lecteur, suscite des développements propres à inspirer littérature et cinématographe.



Ainsi en est-il pour la lutte qui opposa, en 1902, deux souteneurs, Manda et Leca, pour le coeur d'une certaine Amélie Hélie, surnommée « Casque d'Or », et immortalisée par Simone Signoret dans le film de Jacques Becker. Au risque de décevoir, précisons qu'une étude détaillée des mains courantes des commissariats et des affaires criminelles portant sur les crimes des apaches et les attaques nocturnes montre la relativité du phénomène.



Portant casquette, foulard rouge, pantalon « large des pattes », chansonnés par Bruant, les apaches et leur folklore n'en fascinent pas moins les journalistes du début du siècle et les historiens spécialisés en « apacheries ». Cette « population malfaisante », ces jeunes dans lesquels l'historienne Michèle Perrot croit percevoir les « derniers rebelles de la société industrielle, hostiles aux bourgeois, aux flics, au travail », tandis que les sociologues y trouvent le prototype d'une délinquance juvénile qui cristallise les peurs des sociétés vieillissantes, se regroupent en bandes avec leurs chefs, leurs égéries, leurs repaires, leurs rites, leurs signes de reconnaissance et leurs conflits. Produit médiatique par excellence, l'apache appartient au paysage parisien comme le flic en pèlerine supposé le combattre à armes inégales. Il a permis - bien au-delà du début d'un siècle qui l'a vu naître - la survie de tout un folklore propre à fasciner le bourgeois à la recherche d'émotions.



Si les vagabonds ne sont pas tous des éventreurs, s'il y a loin du mythe des apaches à la réalité, le début du XXe siècle n'en a pas moins connu une forme étonnante et réellement inquiétante de criminalité venue du fond des âges illustrée par l'existence de bandes organisées qui, profitant des insuffisances policières, perpétuent des années durant des forfaits qui évoquent davantage la guerre de Trente Ans que le siècle de l'automobile. Ces bandes de « chauffeurs » - reprenant la tradition de leurs prédécesseurs du XVIIIe siècle, ils « chauffaient », c'est-à-dire brûlaient leurs victimes pour leur faire avouer la cachette de leurs économies - ont sévi dans différentes régions de France. La « bande Bouchery », du nom de son chef, tenancier de la buvette de la gare de Langon, dans le Sud-Ouest, les « bandits d'Hazebrouck », les « chauffeurs de la Drôme », les « bandits d'Abbeville » en constituent les spécimens les plus remarquables et les plus célèbres, même si tous ne ressortissent pas au même stéréotype. Apparaissant d'un certain point de vue comme des résurgences des anciens temps, dont elles perpétuent l'archaïsme et les violences, ces bandes semblent appartenir à un passé révolu. Pourtant, les bandits d'Abbeville annoncent par leur mobilité, leurs méthodes, la modernité des « bandits en auto » de la bande à Bonnot ou du gang des Tractions avant.



Au début du XXe siècle, plusieurs de ces bandes terrorisent des régions entières. Celle des frères Pollet (les bandits d'Hazebrouck) est sans doute la plus importante, la plus effrayante, la plus caractéristique aussi de ces temps d'insécurité. Sévissant dans la Somme, elle apparaît comme une résurgence de ces « chauffeurs du Nord » qui au temps du Directoire, sous l'autorité du « capitaine » Moneuse, un émule de Cartouche, s'étaient illustrés par une série de crimes qui les conduisit sur l'échafaud, à Douai, en 1798.



Surnommé « le capitaine » sans doute en référence à ce lointain devancier, dont le souvenir a longtemps survécu dans l'imaginaire populaire du nord de la France et du Hainaut, mais aussi pour son physique avantageux, Abel Pollet, est né en 1873. Il a commencé, dès l'adolescence, une carrière de voleur. Entouré de quelques parents et ami(e)s - journaliers, servantes -, il s'est spécialisé dans les petits larcins « alimentaires » (basses-cours et clapiers, étals des marchés, épiceries) dans les campagnes, villages et petites villes de la Somme. Arrêté une première fois, le 6 août 1901, condamné à quatre ans de prison, libéré trois ans plus tard pour bonne conduite, Abel Pollet fonde alors une nouvelle bande au début de 1905. Cette dernière comprendra en permanence plusieurs dizaines de membres auxquels il impose une méthode, une organisation, une discipline. Les larcins, qui au début, sont encore des vols de victuailles permettant à la bande de ripailler dans un estaminet des faubourgs d'Hazebrouck, sont désormais préparés minutieusement et fondés sur les renseignements d'un réseau d'informateurs composé de colporteurs, de cafetiers et de tireuses de cartes.



En amont, chaque « coup » est organisé avec un ou plusieurs receleurs spécialisés. Les femmes de la bande reconnaissent les lieux et, sous des prétextes divers, font habilement parler les futures victimes. Les complices qui ne participent pas à l'attaque sont chargés de fournir des alibis. La bande utilise également la frontière toute proche pour trouver refuge en Belgique ou pour écouler le produit de ses vols. Elle s'associe occasionnellement avec des malfaiteurs belges de Poperingue. Opérant essentiellement la nuit, attaquant des fermes ou des habitations isolées, de préférence habitées par des vieillards, des femmes ou des personnes seules, la bande Pollet va suivre la pente qui mène du vol qualifié à la plus effroyable violence et à l'assassinat.



Le visage recouvert de suie ou passé au cirage, armés de casse-tête et de pistolets, les bandits, après avoir neutralisé les chiens, pénètrent dans les demeures, surprennent leurs victimes en plein sommeil et les brutalisent de la plus effroyable façon jusqu'à ce qu'elles livrent la cachette des bas de laine. Le butin trouvé et partagé, la bande festoie sur place puis regagne son quartier général, l'estaminet de L'Air des champs, non sans avoir menacé les victimes des pires représailles en cas de plainte. Gagnés par l'audace que leur confère une longue impunité, les bandits d'Hazebrouck vont sombrer dans une violence sanguinaire qui culmine la nuit du 19 au 20 janvier 1906 avec ce que les journaux appelleront « l'atroce tuerie de Violaines ». Au matin, après que les assassins ont bu et ripaillé sur place avant de quitter les lieux, trois membres d'une famille sont retrouvés : gencives broyées, oreilles arrachées, doigts sectionnés, crânes défoncés...



C'est désormais toute la Flandre qui vit dans une terreur renforcée par l'impuissance de brigades de gendarmerie détournées de leur service ordinaire par les opérations de maintien de l'ordre nécessitées par les grèves qui paralysent le bassin houiller. Alors que les criminels ne se cachent guère de leurs méfaits, dilapident bruyamment leurs butins et laissent, à chaque crime, des indices multiples permettant de les identifier, c'est finalement sur la dénonciation d'un aspirant complice éconduit que la bande est arrêtée, au printemps 1906.



Après une instruction de près de deux ans, nécessitée par la multiplicité des crimes commis, la bande est jugée par les assises de Saint-Omer en juin 1908. Les 36 accusés écopent de lourdes peines de prison tandis qu'Abel et Auguste, les deux frères Pollet, et deux de leurs complices, Deroo et Vromant, convaincus de cent vingt vols à main armée, six assassinats et sept tentatives d'assassinat, sont condamnés à mort. Ils seront exécutés le 11 janvier 1909 à Béthune. Ce matin-là, Anatole Deibler et sa machine, au chômage forcé depuis près de trois ans - le président Fallières, opposé à la peine de mort, graciait jusqu'alors systématiquement tous les condamnés - reprennent brillamment leur office : quatre têtes tranchées en 9 minutes. La foule les ovationne.



Les bandits d'Hazebrouck ont des émules dans toute la France. Les « chauffeurs de la Drôme » qui mettent la région de Tournon au pillage, attaquant les fermes isolées, tourmentant les paysans pour leur faire avouer la cachette de leurs économies s'inscrivent dans la même tradition. Octave-Louis David, marchand ambulant, Urbain-Célestin Liottard, contrebandier, Pierre Berruyer, cordonnier, Jean Lamarque, cordonnier, et Brenier, boulanger, ont l'idée de s'associer pour commettre une série de crimes qui sèment l'effroi plusieurs années durant dans le nord de la Drôme.



L'enquête et les recherches longtemps impuissantes mobilisent la gendarmerie, les polices municipales de Valence, Romans et Tournon bien désarmées face à des bandits surgis de nulle part et disparus après leurs forfaits. C'est le renfort apporté par les toutes récentes brigades mobiles qui permet l'arrestation de David, Liottard et Berruyer. Convaincus de dix assassinats et d'autant de vols qualifiés en deux ans, ils sont jugés et condamnés à mort à Valence. Le 22 septembre 1908, Deibler et ses aides procèdent à une triple exécution. Jean Lamarque ne sera arrêté que deux ans plus tard. Jugé par la même cour d'assises de la Drôme, il est également condamné à mort, mais gracié, sa peine est commuée en travaux forcés à perpétuité... A la fin de l'année 1908, les plus représentatives des bandes de chauffeurs sont anéanties. La création des brigades mobiles de police judiciaire a permis d'atteindre les résultats escomptés et rassuré les habitants des campagnes.



Les bandes de chauffeurs ont eu des prédécesseurs auxquels on les compare à tort. Bien différents, moins sanguinaires, beaucoup plus originaux apparaissent ceux que la presse et l'opinion appellent les « bandits d'Abbeville » et associent aux chauffeurs dans une commune frayeur et réprobation.



Surpris alors qu'ils viennent de pénétrer par effraction dans une maison inoccupée de la place Saint-Pierre à Abbeville, dans la nuit du 21 avril 1903, Alexandre Jacob, Léon Pelissard et Félix Bour, arrivés deux heures auparavant par le train de Paris, s'enfuient dans la nuit pluvieuse. C'est en attendant le premier train du matin à la gare de Pont-Remy qu'ils sont surpris par deux policiers instruits par une expérience récente : trois malandrins - ce sont les mêmes ! - ont opéré dans la ville un audacieux cambriolage à l'église Saint-Jacques, le 24 décembre précédent, avant de disparaître par le chemin de fer. Au cours de la lutte qui s'engage l'un des deux policiers est tué, l'autre blessé. Jacob est arrêté dans la journée. C'est sous la protection de 24 chasseurs à cheval qu'il est conduit en prison, au milieu des cris de mort de la population.



L'instruction de l'affaire des bandits d'Abbeville dure deux ans. Le dossier comporte 20 000 pièces et l'acte d'accusation représente 161 pages. 156 témoins sont cités. Parmi les pièces à conviction figure une « valise de cambriolage » qui aura désormais sa place dans tous les manuels de criminalistique. Ces « travailleurs de la nuit », comme les surnomme un journaliste de L'Eclair lors du procès à Amiens, ne comptent jamais plus d'une douzaine de complices à la fois.



L'originalité de la bande tient à la personnalité de son chef, Alexandre Jacob, présenté dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier comme le « dernier des grands voleurs anarchistes ». Outre son engagement et ses convictions libertaires, Alexandre Jacob, né en 1879, se distingue par le caractère inventif de ses cambriolages, sa méthode rigoureuse et son sens de l'organisation. « Homme d'infinies ressources, ouvrier d'une adresse rare, au surplus chef à la tête froide et organisateur de génie », comme le décrit, en 1935, le journaliste Alexis Danan, Jacob met au point une méthode et une organisation très élaborées. Quincaillier à Montpellier, il s'y fait livrer serrures et coffres-forts dont il étudie soigneusement les mécanismes.



C'est en 1900 qu'il met sur pied une bande dont les membres agissent par « brigades ». La France divisée en trois zones, toute l'impunité des brigades tient à la rapidité de déplacements que Jacob prépare minutieusement avec une carte de France et les horaires de chemin de fer. La bande opère de préférence en province, dans les petites villes, en raison de la faiblesse de leurs polices municipales. La méthode suivie est généralement la suivante : un « éclaireur » va dans une ville repérer à partir du Bottin les villas cossues et momentanément inhabitées et y laisse des « scellés ». Une dizaine d'adresses ainsi « calées », Jacob et un ou deux complices arrivent par le train du soir, vérifient la présence des « scellés » et cambriolent, en une nuit, trois ou quatre des maisons repérées. Au matin, par le premier train, les « travailleurs de la nuit » quittent la ville. Souvent, les vols ne sont découverts que plusieurs semaines, voire plusieurs mois plus tard, alors que leur produit est écoulé depuis longtemps. Pour éviter les risques liés aux receleurs et leurs prélèvements « prohibitifs », Jacob a commandité une fonderie qui « recycle » bijoux, couverts et métaux précieux. Pour traiter valeurs et actions, il met en place un circuit compliqué avec l'étranger. Dans le choix de ses victimes, Jacob a une prédilection pour les ecclésiastiques, la noblesse, les officiers et les magistrats. Jamais il ne s'attaque aux paysans. Il a également pour habitude en guise de facétie de laisser des mots signés « Attila », dans lesquels il s'érige en punisseur des riches et dénonce leur richesse.



Cent six cambriolages lui sont imputés lors de son procès, pour un montant de cinq millions de francs, mais il en a commis certainement plus. Convaincu de la justesse de sa lutte, il réserve une part des butins à la cause anarchiste. Il incendie parfois des maisons dont le luxe le scandalise, mais n'attente pas à la vie humaine, sauf pour se défendre contre « les chiens de garde de la société » : gendarmes et policiers. Il est d'ailleurs condamné pour deux tentatives de meurtres contre des policiers, à Orléans et Abbeville.



C'est le 8 mars 1905, devant la cour d'assises de la Somme, que débute le procès des bandits d'Abbeville, qui regroupe 23 accusés, dont la propre mère de Jacob. Dès le début des débats, Jacob, qui a pris à son compte toutes les charges, y compris le meurtre du policier d'Abbeville dont les experts en balistique le disculpent, met le public de son côté par son humour et son sens de la répartie. « Son attitude est extraordinaire, rapporte L'Illustration du 18 mars. Il raille, il bafoue ses victimes dont la richesse, dit-il, est une insulte permanente à la misère. Le Président ne peut le retenir. [...] C'est un type peu banal, malfaisant, dangereux, mais curieux. Il ironise, plaisante, parfois pas sottement, cynique, jamais à court de réparties [...]. » L'envoyé spécial de L'Aurore écrit, le 13 mars : « Jacob conduit l'affaire. Il est tout le temps en scène, [...] il préside et il juge. » Le procès tourne à la confusion de la « comédie judiciaire », à la dénonciation du « vol légal », de la propriété et de la richesse oisive des victimes.



Jacob, accueilli par des cris de mort au premier jour, est désormais ovationné quand on le reconduit à la prison. Tant et si bien que le président l'expulse et c'est en l'absence des principaux accusés que le procès se termine. Le procureur requiert la peine de mort, mais le jury - dûment menacé par les « compagnons » - accorde les circonstances atténuantes. A 25 ans, Alexandre Jacob est condamné au bagne à perpétuité. Mieux que quiconque, il incarne la figure mythique du voleur au grand coeur, celui que les Français ont toujours préféré au gendarme. Son cas frappe l'imagination des contemporains et il semble probable qu'il a inspiré à Maurice Leblanc (présent à son procès) celui d'Arsène Lupin dont la première aventure sera publiée quelque mois plus tard.



Les crimes et méfaits des bandes du début du XXe siècle sont à l'origine d'une réforme de la police judiciaire, ils sont aussi la cause de l'échec de l'abolition de la peine de mort sur le point d'aboutir en 1907. Pour autant, ni le crime bien sûr, ni même les bandes ne disparaissent comme va le démontrer quelques années plus tard la dérive sanglante de la bande à Bonnot



Par Jean-Marc Berlière
http://philippepoisson-hotmail.com.over-blog.com/article-35636809.html


a lire aussi : http://ilyaunsiecle.blog.lemonde.fr/2008/09/24/24-septembre-1908-insecurite-comment-manipuler-lopinion-publique/
mais le plus fort n'est pas le texte qui date d'il y a un siecle (et pourtant si proche de nous )
mais bien le commentaire laisser par un flic ,qui n'a même pas été capable de voir que le texte etait vieux de plus d'un siecle et qui crache sur mai 68 (c'est dire le niveau d'intélligence de la maréchaussé )
niouze
niouze

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