Faut-il avoir peur de Charlie Bauer ?

ROUBAIX / ROUBAIX
Faut-il avoir peur de Charlie Bauer ?

Il pourrait être un paisible retraité de 67 ans cajolant ses petits-enfants. Mais Charlie Bauer, ancien militant du FLN, membre de l'ultra-gauche française des années 70, copain de Mesrine labélisé « ennemi public numéro un », n'a-t-il pas renoué avec ses vieux démons il y a deux ans dans un lycée roubaisien ? Le ministre lui-même s'en mêle.


Autant le dire tout de suite, Christian Vanneste député UMP de Tourcoing, n'a aucun préjugé pour ou contre le slam. Abd al Malik, Grand corps malade ? « Je ne connais pas mais j'en ai entendu parler ! » En revanche quand il entend prononcer le nom de Charlie Bauer ça l'électrise.
Pour deux raisons... « Je n'oublie pas que durant deux ans mon frère a été sous le feu du FLN. Et puis Charlie Bauer ce fut aussi le compagnon de route de Mesrine ». On signale au député que la guerre d'Algérie c'est fini, que Mesrine est mort depuis pas mal de temps, que Charlie Bauer est sorti de prison en 1988 et qu'il est censé avoir réglé sa dette avec la société, le député se crispe.
En mai dernier, Christian Vanneste est avisé par Guy Rouvillain, médiateur de l'académie de Lille, d'une étrange affaire survenue en mars 2008. Suite à une intervention de Bauer au lycée Louis-Loucheur de Roubaix, dans le cadre d'un atelier de slam conduit par l'association la Générale de l'imaginaire, certains parents et un membre de l'équipe enseignante l'ont interpellé à propos de la présence de l'ancien ami de Mesrine dans l'établissement. Loin d'inciter les jeunes à éviter ses fautes de jeunesse, l'ancien détenu de la Santé aurait au contraire fait l'apologie de la « violence légitime » telle qu'on pouvait la pratiquer à Action directe.

« J'ai eu beaucoup de peine à rassembler des éléments. Le proviseur de l'époque ignorait que M. Bauer était passé dans son établissement. Le directeur de la Générale d'imaginaire a tenté de m'intimider. Et j'ai eu du mal à visionner le film Le marathonien de l'espoir, support aux propos de M. Bauer », témoigne M. Rouvillain qui avait signalé dès le 5 novembre 2009 au recteur que Charlie Bauer, sous couvert d'actions culturelles, a ses entrées dans des lycées professionnels de tout le pays. Christian Vanneste écrivait au ministère en mai dernier pour faire remonter les remarques de M. Rouvillain. Luc Chatel, le ministre, lui a répondu le 5 octobre pour lui indiquer que l'affaire est prise au sérieux et que « les activités de la Générale de l'imaginaire sont suspendues dans les établissements scolaires de l'académie. » Côté Générale de l'imaginaire, on tente de dédramatiser : Charlie Bauer participait en 2008 avec plusieurs slamers à une résidence à l'association Autour des rythmes actuels. Il s'agissait d'un travail sur Victor Hugo. « Ce n'est que pour nous rendre service qu'il a accepté d'intervenir à l'atelier du LP Louis-Loucheur », insiste le directeur de la Générale de l'imaginaire.
Bauer aurait-il pris à la lettre le vers de Hugo dans Les châtiments, thème de la résidence à l'ARA : « Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent. » ?
À la Générale de l'imaginaire, on ne comprend pas que l'Éducation nationale décide de mettre un terme à une collaboration fructueuse et reconnue. Au LP Louis-Loucheur, le proviseur qui n'était pas en poste en 2008 nous envoie sur les roses quand on évoque l'affaire. Le directeur de cabinet du recteur dément - contrairement à ce que nous avons écrit dans notre précédente édition - que la Générale de l'imaginaire soit désormais persona non grata dans l'académie.
« Nous avons demandé qu'elle formule une demande d'agrément pour continuer. » Très bien mais... « Elle estime ne pas devoir le faire. »

[EXCLUSIF] Roubaix : Charlie Bauer s'explique



Accusé par le député UMP de Tourcoing Christian Vanneste et suspecté par le ministre de l'Education Luc Chatel d'avoir fait l'apologie de la "violence légitime" devant des lycéens de Roubaix en mars 2008, Charlie Bauer a accepté de s'expliquer.

L'ancien compagnon de route de Jacques Mesrine et militant du FLN, réfute le terme "apologie". Il affirme "expliquer, expliciter et remettre dans le contexte historique le recours à la lutte armée".

Il affirme aussi ne pas regretter ni justifier ses actes devant les lycéens. Charlie Bauer intervient depuis 20 ans dans des lycées. C'est la première fois que son propos suscite une telle réaction.