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[Paris] CICP 12/02/2012 Solidarité inculpés de Toulouse/Labège
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[Paris] CICP 12/02/2012 Solidarité inculpés de Toulouse/Labège
Comme d'hab, pas de chien, et surtout pas de verre svp !
RER A Nation, M° l 9 rue des Boulets, l 2 Alexandre-Dumas ou Avron
Invité- Invité
Re: [Paris] CICP 12/02/2012 Solidarité inculpés de Toulouse/Labège
Quelques précisions sur l'affaire de Labège :
- Spoiler:
POUR EXPLIQUER UN PEU L’« AFFAIRE DE LABÈGE »
Depuis
maintenant près de deux mois, quatre jeunes hommes et femmes sont en
détention « provisoire » à la maison d’arrêt de Labège, sans qu’aucune
date ait jamais été avancée concernant leur remise en liberté. Et on
retrouve dans leur « affaire » un scénario désormais bien rodé pour la
police et l’institution judiciaire : d’abord la criminalisation des
personnes arrêtées, au moyen de l’étiquetage « ultra-gauche » ; puis une
détention « provisoire » qui s’éternise ; enfin, un prélèvement d’ADN
dont le refus est sanctionné pénalement…
Le 14 novembre dernier,
une centaine de gendarmes mobiles ont opéré une impressionnante rafle à
Toulouse dans sept lieux d’habitation (pour la plupart des squats) et
interpellé une quinzaine de personnes (dont une famille de sans-papiers)
; ils ont ensuite mis six d’entre elles en garde à vue. Ces personnes
ont toutes nié les faits qui leur sont reprochés ; elles ont juste
reconnu un engagement militant (pour la plupart depuis le lycée avec le
mouvement anti-CPE) et ont refusé le prélèvement d’ADN. Quatre sont donc
présentement en détention, une autre jeune femme a été inculpée mais
placée sous contrôle judiciaire, et un jeune homme a été libéré mais en
tant que « témoin assisté ».
Les arrestations intervenues à
Toulouse entrent dans le cadre de l’« affaire de Labège » : le 5 juillet
2011, une dizaine de personnes non identifiables ont pénétré dans les
locaux de la direction interrégionale de la Protection judiciaire de la
jeunesse (PJJ, organisme qui dépend du ministère de la Justice) à
Labège, dans la banlieue de Toulouse. Ce groupe a déversé des excréments
sur des ordinateurs et des bureaux, tagué quelques slogans sur des
murs, et laissé sur place des tracts non siglés dénonçant l’accentuation
permanente de la politique sécuritaire à l’encontre des mineur-e-s
avant de se volatiliser quelques minutes plus tard.
L’action
visait donc clairement la ligne répressive de l’Etat – dénoncée par une
partie des éducateurs eux-mêmes, notamment en 2002 lors de la création
des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). En mai dernier, en
effet, une révolte a éclaté à l’EPM de Lavaur, dans le Tarn.
L’administration pénitentiaire et la PJJ y ont répondu par
l’intervention des équipes régionales et de sécurité (ERS), des mesures
d’isolement, des conseils disciplinaires et des transferts. La PJJ a
alors déclaré qu’une partie des jeunes détenus étaient « irrécupérables
», et elle a demandé « plus de sécurité, un profilage des détenus et une
reconnaissance de la pénibilité [du] métier ». Au début de l’été, le
Parlement s’apprêtait de plus à adopter une refonte de l'ordonnance de
1945 sur la justice des mineurs, comprenant entre autres la création
d'un tribunal correctionnel pour les récidivistes de plus de 16 ans en
ce qui concerne des délits passibles d’au moins trois ans
d’emprisonnement.
Toujours est-il que l’action de Labège s’est
déroulée sans violence – hormis un bref lâcher de bombe lacrymogène en
direction d’un membre de la PJJ quand celui-ci a arraché le sac à dos
d’un membre du groupe (il n’a eu aucun arrêt de travail et n’a pas porté
plainte). Le procureur de la République, qui s’est déplacé sur les
lieux avec le préfet le lendemain, a de plus remarqué lui-même que
l’action menée « n'a[vait] finalement fait que peu de dégâts ». D’où
l’évidente disproportion de l’opération lancée quatre mois plus tard par
des forces de l’ordre surarmées pour procéder à une vague de
perquisitions et d’arrestations à Toulouse, sur la base du sac laissé
sur place à Labège (si ce sac semble bien appartenir à un des prévenus,
ce dernier affirme l’avoir perdu lors de son déménagement en juin
dernier).
A la fin de leur garde à vue, les lourdes inculpations
que le juge a prononcées à l’égard de cinq personnes ont été les
suivantes :
« - Participation à un groupement formé en vue de la
préparation de violences contre les personnes ou de destruction ou de
dégradations de biens ;
- violence commise en réunion sans incapacité ;
- dégradation ou détérioration du bien d'autrui commise en réunion. »
En
dépit du fait que ces personnes n’appartiennent à aucune organisation
et que l’action de Labège n’a pas été revendiquée, l’étiquette «
ultra-gauche » qui a été collée sur leur dos et sur leurs dossiers, et
que les médias ont reprise, a suffi à les criminaliser (l’ordonnance de
placement en détention provisoire concernant un des prévenus affirme
ainsi que celui-ci « reconnaît son appartenance à un mouvement d’extrême
gauche, lequel est à l’origine des faits reprochés comme en attestent
les tracts laissés sur place » ; or le terme d’« ultra-gauche » qui lui a
été attribué pendant la garde à vue ne représente en rien une
organisation). Et ce malgré l’absence de preuves jusqu’à ce jour, car
l’instruction court toujours. De même que l’« appartenance à la mouvance
anarcho-autonome » et d’autres qualificatifs de ce genre, l’étiquetage «
ultra-gauche » sert ainsi depuis des années maintenant à créer un
véritable délit d’opinion.
Par ailleurs, le refus opposé par les «
inculpé-e-s de Labège » à un prélèvement d’ADN va leur valoir un
procès, début mai, quoique cet ADN leur ait de toute façon été prélevé
contre leur gré en garde à vue (sur les gobelets et couverts utilisés
pour se restaurer durant ce laps de temps). Les avocats des inculpé-e-s
se sont à une exception près abstenus de faire appel de la mise en
détention, sur l’idée que le juge attend les résultats des tests pour
décider de leur libération ou non ; mais on peut sérieusement en douter,
après sept semaines de détention. Il est bien plus probable que ces
résultats sont déjà connus, et qu’il s’agit plutôt pour le juge de
laisser mariner toute cette jeunesse en prison, dans l’espoir de la
faire craquer et avouer ou du moins « coopérer » (tout en observant qui
se mobilise pour les soutenir, aussi et bien sûr, afin d’alimenter les
fichiers et de trouver d’autres « coauteurs » de l’action incriminée),
surtout si le résultat des tests n’a pas « démontré » la culpabilité des
inculpé-e-s.
Rappelons que le fichier national automatisé des
empreintes génétiques (FNAEG) a la particularité d’être alimenté de
force – le prélèvement est « juridiquement contraint » car, en garde à
vue, l’officier de police judiciaire a l’obligation d’informer le
prévenu qu’il peut refuser ce « prélèvement biologique », mais en
ajoutant aussitôt que « ce refus constitue un délit », et pas des
moindres, puisque le code pénal prévoit jusqu’à un an ferme et 15 000
euros d’amende. Une situation kafkaïenne, étant donné le nombre de gens
qui, relaxés du délit pour lequel on leur demandait leur ADN, demeurent
poursuivis pour le délit de refus de prélèvement ; c’est qui plus est un
« délit continu » : tant que l’on persiste dans son refus, on peut être
convoqué à tout moment pour une nouvelle demande de prélèvement. Cette
situation fait que certains ont porté leur cas devant la Cour européenne
des droits de l’homme (voir http://www.slate.fr/story/47639/adn-fichiers).
Par
les détentions « provisoires » qui s’éternisent, l’institution
judiciaire entre également, et une fois de plus là encore, en complète
contradiction avec la « présomption d’innocence » censée former le socle
de la justice française. Il n’est que de voir la population des
prisons, composée pour moitié de prévenu-e-s dans l’attente d’un procès
qui peut avoir lieu deux ou trois ans plus tard. Ou se rappeler
l’expérience pénitentiaire de Julien Coupat (plus de six mois) ; et,
encore plus fort, celle des six Parisiens qui sont traduits en justice
en mars prochain : entre sept et treize mois de « provisoire », avec un
placement sous contrôle judiciaire ensuite (leurs quatre affaires ont
été rassemblées sous le prétexte d’une même « association de malfaiteurs
dans un but terroriste » – voir notamment l’article de Camille Polloni
paru sur Inrocks.com le 19 janvier 2011 : http://www.lesinrocks.com/actualite/act ... erroriste/).
Depuis
leur arrivée à la maison d’arrêt, la situation des « inculpé-e-s de
Labège » n’a pas évolué : chaque fois que le tribunal a dû réexaminer
leur incarcération, il a choisi de les maintenir en prison.
Les motifs qu’il invoque demeurent :
-
« d’empêcher une concertation frauduleuse avec les complices », alors
que les deux jeunes femmes ont été enfermées dans la même cellule et que
les deux jeunes hommes ont effectué leurs promenades ensemble durant
leurs premiers jours à Muret ;
- « d’empêcher une pression sur
les témoins ou victimes », alors que dans l’action de Labège il n’y a
pas eu de victimes et qu’aucun témoin n’est en mesure d’identifier ses
responsables.
- « de prévenir le renouvellement de l’infraction
», alors qu’il ne s’agit pas de récidivistes mais de « primo-délinquants
», selon le jargon judiciaire.
L’attitude du tribunal à l’égard
du seul prévenu qui a fait appel de sa mise en détention puis, débouté, a
déposé une demande de remise en liberté montre bien que pour ce
tribunal la culpabilité des inculpé-e-s est acquise.
Lors de
l’appel, qui s’est déroulé en présence de ce prévenu et dont l’audience
était publique, la juge a lu le texte de l’ordonnance de placement en
détention provisoire et s’est s’exclamée lorsqu’il a été question de la
PJJ : « C’est parfaitement hilarant, quand on connaît le dévouement du
personnel de la PJJ ! » ; peu après, c’est son collègue qui s’est écrié,
à la mention que les inculpé-e-s avaient refusé le prélèvement d’ADN
par conviction politique, qu’il ne voyait « vraiment pas » comment on
pouvait associer les termes « ADN » et « politique »… Après quoi, ce
tribunal a demandé au prévenu s’il avait quelque chose à ajouter, et,
relevant qu’on le qualifiait d’« ultra-gauche » dans l’ordonnance de
mise en détention, il a voulu savoir ce que le tribunal entendait par là
en précisant qu’il était prêt à en débattre puisqu’il n’appartenait à
aucune organisation. Autrement dit, il a répondu sans arrogance, mais
sans se laisser démonter ni baisser la tête dans l’attitude attendue de
repentance, partant de culpabilité admise. Inacceptable, pour le
tribunal – d’où le commentaire suivant, à la fin de l’arrêt de la cour
d’appel le maintenant en détention : « Son attitude laisse présumer
qu’il agit délibérément même s’il conteste formellement les faits. »
La
demande de remise en liberté s’est soldée quant à elle en deux temps
trois mouvements dans le bureau du juge : celui-ci a campé sur ses
positions, en motivant son refus de remettre l’inculpé en liberté par
les arguments précédemment utilisés, mais en ajoutant cette fois qu’il
ne croyait pas à la promesse d’embauche obtenue pour six mois à compter
du 2 janvier 2012. Autrement dit, après avoir en novembre invoqué un
manque de « garanties de représentation » pour mettre cet inculpé en
détention (au prétexte qu’il n’avait pas repris une inscription à la fac
en septembre mais s’était inscrit à Pôle emploi), cette proposition de
travail n’a pas davantage satisfait le tribunal : il a laissé en prison
cet inculpé malgré un casier judiciaire vierge, l’existence d’un
logement loué et de revenus (modestes mais réels), et sans avancer la
moindre preuve corroborant les accusations portées à son encontre.
On
assiste ainsi, grâce aux innombrables lois sécuritaires adoptées depuis
une dizaine d’années, à la criminalisation d’une certaine jeunesse
radicalisée : selon ses besoins du moment, l’Etat réprime les jeunes de
banlieue ou les « jeunes » en général, les « étrangers » ou les
sans-papiers, les Roms, les « anarcho-autonomes », les activistes
politiques ou les participants à des mouvements de la contestation
sociale.
Les milieux tour à tour en butte à la répression se
trouvent à la merci du pouvoir. D’une part, parce que la détention «
provisoire » peut être prolongée, selon le bon vouloir des juges,
pendant des mois et des mois voire des années – une situation qui a
plusieurs fois incité la Cour européenne des droits de l’homme à
critiquer la France là-dessus aussi et à lui demander de revoir cette
pratique. D’autre part, parce que le refus de prélèvement d’ADN est
sanctionné pénalement et de façon répétitive.
Pareille situation
démontre, s’il en était besoin, l’urgence de la contrer par
l’affirmation d’une solidarité concrète envers les personnes en butte à
la répression parce qu’elles contestent le système capitaliste et son
organisation sociale. Seule la manifestation de cette solidarité peut
leur éviter la marginalisation dans laquelle l’Etat cherche à les piéger
et vers laquelle la répression tend trop souvent à les pousser. Il faut
dénoncer haut et fort la perversité d’une détention « provisoire » qui
revient à faire exécuter une peine avant même qu’un jugement ait été
rendu – d’autant plus que semblable procédé anéantit toute possibilité
de relaxe lors du procès : quand celui-ci finit par avoir lieu, le
tribunal condamne à une peine couvrant la durée de la préventive, afin
de ne pas être attaqué en justice pour détention arbitraire.
Alors, décidément, ne laissons plus faire !
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