Le pire scénario afghan pour Barack Obama

Le principal allié des États-Unis en Afghanistan, le chef d’État sortant Hamid Karzai, devrait être contraint à un second tour à la présidentielle, des fraudes massives étant établies

C’est le pire scénario que pouvait imaginer Barack Obama, embourbé dans la guerre afghane : la confirmation de fraudes massives à l’élection présidentielle du 20 août contraignant à un second tour. Une enquête sur les irrégularités aurait estimé à 47 %, au lieu de 54,6 %, le pourcentage des voix obtenu par le président sortant Hamid Karzai, révèle le Washington Post de vendredi matin. Citant une source officielle américaine en Afghanistan, le quotidien explique que des bulletins de vote au nom des deux principaux candidats, Hamid Karzai et son rival Abdullah Abdullah, ont été imprimés à Londres en prévision d’un retour aux urnes et ont déjà été envoyés à la mission de l’ONU à Kaboul. Selon le journal, l’encre indélébile nécessaire au scrutin est également à disposition, et du matériel pour bureaux de vote sera prêt à être distribué cette semaine.

Depuis le jour même du scrutin, les soupçons s’intensifiaient. De très nombreuses irrégularités ont été rapportées, dont l’existence de bureaux de vote fictifs. Pour les observateurs de l’Union européenne, un quart des bulletins, soit 1,5 million, sont « suspects », dont 1,1 million auraient profité à Karzai et 300 000 à Abdullah. Pour l’avoir dénoncé ouvertement, Peter Galbraith, chef adjoint de la mission de l’ONU en Afghanistan, qui affirmait que 30 % des voix accordées à Karzai étaient frauduleuses, a été limogé début octobre. Son renvoi survenait au moment même où les États-Unis et l’Europe décidaient de maintenir leur poulain – faute de mieux – au pouvoir. Une semaine plus tard, l’ONU faisait marche arrière et dénonçait à son tour officiellement des « fraudes considérables ». L’éventuelle organisation d’un second tour pose question : les autorités afghanes et internationales seront-elles en mesure de le mettre en place rapidement, avant que l’hiver n’isole une partie importante du pays ?

La Constitution voudrait que le scrutin ait lieu dans les deux semaines suivant l’annonce des résultats officiels, ce qui est impossible, estime l’ambassadeur afghan aux États-Unis, Said Tayeb Jawad, qui, dès jeudi, évoquait une nouvelle consultation. Le vote devrait intervenir le plus tôt possible car, dès le début novembre, avec l’arrivée des grands froids et de la neige, l’échéance serait difficile à tenir, en particulier dans le nord du pays. Quant à l’idée selon laquelle on pourrait laisser passer l’hiver pour appeler de nouveau les électeurs aux urnes, c’est une option que l’ambassadeur Jawad ne retient pas, cela ajouterait à la confusion et compliquerait davantage les relations du gouvernement afghan avec ses interlocuteurs étrangers, affirme Said Tayeb Jawad. Il est en effet urgent que l’Afghanistan soit doté d’une direction politique, fût-elle pourvue d’une marge de manoeuvre réduite à une peau de chagrin dans un pays où campent des armées étrangères. Barack Obama a besoin de relais locaux officiels pour crédibiliser sa politique. Sa « nouvelle stratégie » devrait comporter la formation d’une police et d’une armée nationales afghanes, comme base de reconstitution de l’État. Il a tenu, mercredi à la Maison- Blanche, un nouveau « conseil de guerre » afin d’arrêter si oui ou non il envoie les renforts de 40 000 hommes supplémentaires réclamés par le patron des forces internationales en Afghanistan, le général McChrystal.