minority report ....

La cyberarme de la police


Un logiciel informatique permet de prévoir dans quels quartiers la criminalité sera en hausse.

Laszlo Molnar - le 23 août 2010, 21h22
Le Matin



«Minority Report» devient (presque) réalité. Les polices américaines ont enregistré des succès foudroyants en utilisant des programmes informatiques pour prévenir les crimes. Bien sûr, elles ne sont pas capables de déterminer si une personne est sur le point de commettre un délit, comme le fait Tom Cruise dans le film de science-fiction. Mais grâce à un software d’IBM les enquêteurs peuvent dorénavant prévoir où ils pourraient avoir lieu.

IBM a mis quatre ans et a investi près de 12 milliards de francs dans un programme d’analyse prédictive, adapté par la police de New York qui l’a baptisé CRUSH (Criminal Reduction Utilising Statistical History). Cet outil ne se contente pas d’amonceler des statistiques et des rapports des vingt dernières années, il les analyse aussi. De cette manière, il met en évidence les répétitions d’heures, de dates, de lieux et de modes opératoires. Cela avec une précision qui permet de prévoir où les forces de l’ordre devront s’attendre à une hausse de la délinquance.

L’exemple de Memphis
Bien entendu, un système de «police prédictive» ne fonctionne que dans les domaines à répétition, explique le directeur de la police de Los Angeles, Charlie Beck, dans le Los Angeles Times d’hier. «Un meurtre passionnel ou les cambriolages de haut vol, par exemple d’une banque par une bande bien préparée, ne peuvent être décelés d’avance.»

En revanche, les petits cambriolages, les vols de voitures ou les agressions de passants ont déjà baissé de 31% à Memphis, dans le Tennessee, depuis l’introduction de CRUSH en 2008. «Dans un travail classique de police, des agents sont envoyés en renfort dans les quartiers où la criminalité est devenue endémique», explique un porte-parole de la police de Memphis dans la presse locale. Puis le calme revient car les voyous ont changé de quartier pour fuir la présence policière massive. Et c’est là que, grâce à CRUSH, on peut deviner dans quels endroits de la ville les criminels vont continuer à sévir.

Un homme aurait besoin de plusieurs semaines pour analyser toutes les données qui permettront de localiser ces futurs coins à risques. En revanche, un computer pourvu du bon programme requiert quelques secondes pour analyser les statistiques et autres informations stockées depuis des décennies, selon l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), à l’origine du modèle mathématique qui a permis d’élaborer un software pilote dans ce domaine.

Les malfaiteurs agissent dans les endroits où la menace policière est la plus faible, mais qui leur sont familiers, estime Andrea Bertozzi, professeur à l’UCLA. Il fallait donc trouver un modèle mathématique qui intègre tous les critères déterminant leurs futurs terrains de chasse.

L’analyse des données ressemble à celle du modèle mathématique utilisé pour prévoir les répliques des séismes. Si les polices de New York et de Memphis ont joué les pionnières dans ce domaine, d’autres municipalités, notamment Los Angeles, s’y sont aussi mises cette année. Les villes adaptent l’outil de base, afin qu’il ne puisse pas être piraté. On trouve ainsi plusieurs versions de CRUSH.

La Suisse trop exiguë
En Europe, seuls les Britanniques se sont lancés dans cette aventure. Et pour cause: ces outils d’origine américaine ne semblent pour l’instant être disponibles qu’en anglais.

«En Suisse, nous n’avons de toute manière pas la masse critique de criminalité qui justifierait un programme de cette envergure, explique Jean-Christophe Sauterel, de la police vaudoise. Mais les polices romandes travaillent avec l’Institut de criminologie de Lausanne, qui possède des outils de modélisation du crime plus adaptés à l’exiguïté de notre territoire.»

Les « villes intelligentes » n’aiment pas la démocratie

Des routes et des trottoirs truffés de capteurs pour améliorer les flux de circulation ou pour signaler les places de parking disponibles. Ces idées sont à la mode, toutes regroupées sous le terme de « ville intelligente ». Non pas que les autres soient complètement débiles, mais les « smart cities » fournissent des données considérables qui permettent d’améliorer des services.
Tellement de données, qu’il serait peut être temps de se poser la question de leur contrôle et de leur sécurisation pour The Guardian.

« Plus de 2,5 milliards de personnes, majoritairement des urbains, portent déjà volontairement un capteur de données, leur smartphone. Il peut vous indiquer le café le plus proche, commander un taxi et même vous trouver un plan cul dans les environs. Les questions de vie privée, sont ici résolues par un accord qui limite la circulation des données entre secteurs public et privé et en faisant de l’individu le centre de ce flux d’informations.
Mais pour les villes intelligentes, vous avez besoin de faire librement circuler les données entre des secteurs qui seraient normalement séparés dans le monde commercial. Le système énergétique a besoin de connaître l’état du système de transport. Et le tout a besoin d’être géré comme un “God game” : le gouvernement de la ville, et non pas les individus, doit exercer un contrôle. »