Le rabot, les niches et la loupe...

Le rabot, les niches, et la loupe
Le gouvernement rabote, c'est une affaire entendue. Il n'a jamais tant raboté. Il rabote assidûment. Le budget 2011 sera rigoureux, même s'il ne s'agit évidemment pas (ne confondons pas) d'un budget de rigueur. Une niche fiscale devrait pourtant être épargnée: celle qui bénéficie à certains investissements outre-mer. Pourquoi ? Parce que François Baroin, ministre du Budget, raboteur en chef (et incidemment, ancien ministre de l'Outre Mer), a fait valoir que la Réunion étant une des rares régions de droite, il urgeait de ne pas désespérer les électeurs réunionnais.

Quoi ? Comment ? Le gouvernement, en charge de l'intérêt général, obéirait ainsi à de basses considérations électorales ? Vous me demanderez de quel site internet à scandale, de quelle feuille de ragots, de quel brûlot gauchiste, je tire cette allégation infâmante. Je vous livre ma source bien volontiers : il s'agit d'un articledes Echos, quotidien économique appartenant au dangereux bolchevik Bernard Arnault. Certes, le journal ne fait pas sa Une avec ce petit scoop. N'empêche qu'il y figure, noir sur blanc, en quelques lignes, au coeur d'une passionnante enquête sur quelques étripages inter-ministériels, en vue de la préparation du budget (enquête dans laque lle on apprend aussi par exemple, pour l'anecdote, mais c'est rigolo, que Lagarde a dû défendre son propre budget devant Baroin, à Bercy, en étage neutre).

On apprend aussi bien d'autres choses, dans Les Echos du jour, qui livrent par exemple le détail des économiesprojetées sur la Sécu (adeptes du Smecta ou du Spasfon, vous serez moins bien remboursés). Je ne détaille pas. Lisez le journal. Tout y est. Nous sommes un grand pays démocratique, dans lequel la presse raconte tout. Par quel miracle ces informations sont éjectées de la centrifugeuse des 20 Heures et des radios du matin, au bénéfice de la ronde des petites phrases, et de la relation méticuleuse des évacuations de la tour Eiffel, c'est le mystère physique qui n'en finit pas d'intriguer, et pour la contemplation duquel le matinaute trouve la force de se lever chaque matin.

Daniel Schneidermann