essais nucléaires

Le tribunal administratif de Paris a ordonné au ministère de la Défense de saisir la commission consultative du secret défense concernant les essais nucléaires français réalisés entre 1960 et 1996 au Sahara et en Polynésie.

L’association des vétérans des essais nucléaires (AVEN) se réjouit de l’importance de cette décision puisqu’elle devrait faire jurisprudence, attendu qu’elle est rendue à la demande des associations et qu’elle couvre toute la période des essais nucléaires.

Malgré une loi et un décret, rien n’est gagné pour les vétérans du nucléaire, convaincus que l’Etat, par le biais du ministre Morin, n’a pas l’intention de reconnaître sa responsabilité vis-à-vis des « irradiés de la République ».

Jean-Paul Demange ouvrira l’assemblée générale de l’Aven aujourd’hui et demain, à Obernai, en Alsace. Il est le délégué régional (Lorraine, Alsace, Champagne-Ardennes) pour l’association des vétérans du nucléaire.

Alors qu’une loi d’indemnisation et son décret d’application ont été publiés, les vétérans du nucléaire ont-ils toujours des revendications ?

Jean-Paul DEMANGE : « Oui. La loi comporte des détails très mauvais pour nous ! Cette petite phrase par exemple : " à condition que l’exposition ait été suffisante", réintroduit un seuil d’exposition alors qu’on s’était battus pour que le gouvernement ne mette pas de plancher. Finalement, les effets sont encore plus pervers car l’indemnisation est laissée à la seule appréciation du ministre de la Défense.

La question des zones d’exposition pose aussi problème. En regardant une carte, on s’aperçoit que ces zones sont extrêmement étroites et passent, sans les toucher, entre les zones habitées ! Mais on sait très bien que les retombées radioactives sont possibles pendant des mois et sur des centaines de kilomètres. Les vents non plus ne sont pas pris en compte, alors que même en France, il nous arrive parfois des sables sahariens. »

Est-il possible de modifier la loi ?

« Tenter de la faire annuler par le conseil d’Etat pour en faire voter une autre prendrait des années. On ne peut pas se le permettre. Nous allons donc entamer maintenant le vrai travail pour que chaque vétéran monte son dossier, que tous soient reconnus, indemnisés et le cas échéant, soignés. »

Comment allez-vous procéder ?

« D’abord, nous allons inonder le ministère avec les dossiers qui entrent dans le cadre restreint de la loi. Pour la région, j’en ai déjà une dizaine. Comme c’est le ministre qui donne seul un avis, ils seront refusés… Je rappelle qu’Hervé Morin a estimé qu’il y aurait 500 indemnisations alors que nous étions 150 000 sur les sites d’essais nucléaires en Algérie et Polynésie. Tous les dossiers finiront en justice, soutenus par M e Jean-Paul Teissonnière. »

Il faut une faille pour cela…

« Aux confins de la loi, il existe des maladies non reconnues. Le décret cite 18 affections radio induites, tout en se réclamant de l’UNSCEAR, la liste internationale, qui en compte plus de trente. Il va falloir travailler cela. »

Algérie dans les années 60, Polynésie jusqu’en 1996 : qui constitue aujourd’hui l’Aven ?

« Nos adhérents sont en augmentation, on pourrait atteindre les 5 000 contre 3 500 l’an dernier. On n’a très peu d’officiers et de sous-officiers, beaucoup d’hommes de troupe, d’appelés. Mais il y a quelques militaires de carrière et des personnes issues du nucléaire civil. »

Vous êtes très proches de vos adhérents dans l’Est. Que vous disent-ils ?

« Pratiquement tous les vétérans font état de problèmes de santé chez leurs enfants : leucémies, malformations, atteintes au cerveau. Le résultat de cassures dans le génome. Mais la descendance n’est jamais évoquée dans la loi. C’est vrai que quand je suis rentré d’Algérie, le toubib m’a dit " il vaudrait mieux que vous n’ayez pas d’enfant". Moi, je suis curé alors le problème ne se posait pas. Mais les autres… »