Accompagnement des chômeurs : les avantages en demi-teinte des opérateurs privés

Le secrétaire d'Etat à l'emploi, Laurent Wauquiez, a annoncé au beau milieu de l'été que deux cent cinquante mille chômeurs allaient être accompagnés par des opérateurs privés de placement (OPP). Une mesure conjoncturelle destinée à soulager le Pôle emploi, qui peine à faire face à l'afflux de nouveaux chômeurs. Dès 2007, plus de quarante mille chômeurs ont bénéficié d'un accompagnement renforcé par un OPP. Des chercheurs du Crest (Centre de recherche en économie et en statistiques) ont eu pour mission d'évaluer, sous l'égide de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), les vertus de ce programme, en comparaison avec un programme renforcé appelé "Cap vers l'entreprise" (CVE) proposé par l'ANPE. Les résultats de cette étude ont été publiés mardi 5 octobre et ils montrent que, globalement, ces deux programmes renforcés fonctionnent et augmentent la proportion de chômeurs qui retrouvent du travail.

Ce constat positif masque toutefois des disparités. A chômeur comparable, CVE a de meilleurs résultats que les OPP. Par rapport à un accompagnement classique, expliquent les auteurs, "CVE permet d'augmenter de 9 points les taux de sortie dès le troisième mois, tandis qu'à cet horizon, l'effet des OPP est toujours non-significatif. A douze mois, CVE a un impact de 8,5 points et les OPP un impact de 6,4 points". Avantage pour le public, donc. En y regardant de plus près, les chercheurs du Crest ont remarqué que l'accompagnement par un OPP bénéficiait, en revanche, de meilleurs résultats si l'on considérait la reprise d'une activité réduite et non la sortie complète des listes du chômage.

L'équation public-privé est donc complexe. Tout comme l'est le dispositif expérimental. La méthode ici employée, dite des "expérimentations randomisées", a été utilisée pour la première fois en France et laisse moins de place à certains biais. En effet, les chômeurs ont été assignés à chaque catégorie – OPP, CVE ou accompagnement classique – de manière aléatoire. "Un peu comme une loterie", explique Bruno Crépon, chercheur au Crest/J-Pal, qui a participé à cette étude. La "loterie" était en fait un programme informatique installé dans les ANPE concernées. Il a attribué au hasard les quatre-vingt mille places disponibles sur les deux cent vingt mille chômeurs éligibles dans les différentes catégories. Cette méthode commence a être utilisée dans le domaine des sciences sociales. Elle a été "inspirée des essais réalisés dans l'industrie pharmaceutique. Elle permet une étude scientifique de politiques économiques de manière claire et transparente. Si nous avions utilisé une autre méthode, nos resultats auraient été critiqués. En l'occurrence cela va permettre de parler des accompagnements privé et public de manière plus nuancée et de s'extraire des discours polémiques", note M. Crépon, qui voit d'un bon œil la multiplication de telles expérimentations, notamment réalisées sur des programmes du haut-commissariat à la jeunesse de Martin Hirsch.

Ce type d'évaluation autorise une analyse fine des phénomènes observés. L'expérimentation a révélé des "effets inattendus" de l'accompagnement par les OPP. Ni les coûts des programmes ni le montant des indemnisations n'ont été transmis aux chercheurs. Ces derniers ont tout de même pu estimer ces coûts pour le service public en considérant le nombre de journées d'indemnisation versées aux chômeurs. Ils se sont aperçus que l'accompagnement par les OPP, à l'inverse du programme public, ne réduisait pas le nombre de journées d'indemnisation payées. Comment se fait-il que les chômeurs trouvent plus rapidement du travail sans toutefois engendrer d'économie ? "La raison, explique M. Crépon, est que les OPP diminuent les sorties des listes du chômage pour des motifs autres que le retour à l'emploi – maladie, radiation, formation, etc." Le programme fonctionne puisqu'il "apporte une plus-value pour le chômeur", mais du point de vue de l'Unédic, "cette opération a vraisemblablement été coûteuse, puisqu'elle n'a pas réduit le nombre de jours passés en chômage et qu'il a bien fallu payer les OPP", reconnaît M. Crépon.

Le contrat passé entre le public et le privé ne mentionnait nullement ces sorties de chômage. Pas plus qu'il n'évoquait les activités réduites. "Les OPP ont été payés à la prise en charge, puis à la remise en emploi, quel qu'en soit le motif", souligne M. Crépon. "Les OPP se sont comportés exactement comme c'était prévu dans le contrat", conclut-il. Tout dépendrait alors des demandes du service public, qui finance de tels contrats.