danger: tv

Et aujourd’hui, on parle télé. Au moment ou deux ouvrages viennent de paraître pour en dénoncer les dangers sur la santé.

Dans le premier, Le mystère du nocebo, un médecin psychiatre explique en quoi les médias peuvent sérieusement altérer l’état de notre moral et de notre physique.
Et dans le second, TV Lobotomie, un docteur en neuropsychologie affirme, études à l’appui, que la télévision nous rend idiots, obèses ou anorexiques selon les cas, et qu’elle pèse très lourdement sur notre espérance de vie. Alors, faut-il faire une croix sur nos programmes télé ?

Ça y est, la Télé enfin est dans le collimateur des psys ?

cela fait quelques années déjà, que les psys se préoccupent de l’effet que peut avoir la télé, prioritairement sur les enfants et les adolescents. On a connaissance d’un assez grand nombre d’études qui a été menée aux États-Unis sur : la corrélation entre comportements violents des jeunes et visionnage d’images violentes, consommation de télé et niveau scolaire, télé et obésité... Ce sont d’ailleurs des études qui ont servi à Michel Desmurget dont vous citiez l’ouvrage à l’instant.
En France, on en a beaucoup moins, mais on a quand même des travaux de psychologues, de psychiatres ; notamment Serge Tisseron qui a beaucoup publié sur ce thème là : Télé et émotions, Images et ados, Les dangers de la télé pour les bébés...

Ils sont vraiment unanimes sur les dangers de la télé ?

Concernant les enfants.
Il y a un point, et un seul, sur lequel on peut dire qu’ils sont unanimes c’est sur les dangers réels d’une consommation excessive de télévision : oui, quand un enfant regarde la télé dès son plus jeune âge, plusieurs heures durant, quotidiennement, cela porte atteinte à ses neurones en développement, cela affecte son comportement et sa santé. Cela, quantités d’études le prouvent -mais même sans elles, on s’en serait douter. Il suffit de voir la tête des enfants face à l’écran ! Totalement prostrés, la pupille fixe, ils n’entendent plus rien de ce qu’on leur dit... En fait, sous l’effet des ondes lentes diffusées par l’écran allumé, ils sont plongés dans un état très proche de l’hypnose.

Parmi les reproches, les effets de la télé sur les résultats scolaires des enfants.

Selon une étude, citée dans TV Lobotomie : “pour un enfant du primaire, chaque heure de télé quotidienne accroit de 43% c’est énorme la probabilité de le voir quitter le système scolaire sans qualification !”
C’est vrai qu’une heure passée devant la télé c’est autant de temps qui n’est pas consacrée à ses leçons ! Je ne sais pas comment cette étude a fait cette mesure, mais ce qui est sûr, c’est que la consommation excessive de télé -et j’insiste encore sur cette notion d’excès- affecte la capacité de représentation de l’enfant donc, sa faculté d’imagination ; qu’elle altère sa capacité de concentration et qu’elle perturbe son sommeil. Et ce sont autant de mauvaises conditions pour réussir à l’école !

Est-ce que la télé n’a pas bon dos, tout de même, pour justifier les échecs scolaires des enfants ?

C’est certain ! Le propre des études c’est de se focaliser sur un paramètre mais sans toujours rendre compte des autres paramètres qui interfèrent : est-ce que l’enfant regarde la télé tout seul, sans rien faire d’autre ? Ou est-ce que la télé est allumée dans le salon, au milieu de la famille qui débat ou qui parle d’autre chose ? Et si l’enfant est tout seul devant l’écran, pourquoi ? Qu’est-ce qui se passe dans la famille ? Peut-être qu’il y a d’autres facteurs qui peuvent expliquer son découragement à travailler et son choix de se réfugier devant un écran... On peut toujours s’attaquer à un objet et lui reprocher tous les maux de la terre ; il n’en reste pas moins un objet, un outil dont l’effet est tributaire du contexte dans lequel il est utilisé.

On parle des adultes, maintenant : est-ce que nous prenons nous aussi de gros risques à regarder la télévision ? Est-ce que, par exemple, les images de violence, les informations sombres, négatives, nuisent à notre santé ?

C’est ce que laisse entendre le Dr Patrick Lemoine, qui parle de l’effet « nocebo » des médias. L’effet « Nocebo », c’est le même principe que l’effet placebo sauf qu’au lieu de nous faire du bien, de nous soigner, cela a des conséquences négatives sur nous. Et ce qu’il met notamment en avant, c’est l’effet de la répétition des informations désespérantes, c’est-à-dire sombres, alarmantes et en même temps sur lesquelles nous n’avons aucun pouvoir d’agir : on ne peut que se désespérer. D’où un sentiment de perte de contrôle, donc un état de déprime, de pessimisme, de stress..

Au point de nous rendre physiquement malades ?

On connaît les effets délétères sur la santé du stress et même du pessimisme. Donc si la télé génère du stress et rend pessimiste alors il ne paraît pas fou de la considérer comme un facteur parmi d’autres de mal-être.

Risquons-nous de devenir tous « lobotomisés » ?

Évidemment que si on regarde du matin au soir des émissions de télé réalité avec des candidats qui s’expriment avec le vocabulaire d’enfants de 6 ans... je ne pense pas que cela donne le cancer, mais c’est bien possible que cela nous déprime profondément ! Ceci étant, il ne faut déjà pas être au mieux de sa forme pour se planter devant son écran du matin au soir face à ces émissions… Autrement dit, + que des images, la question qui se pose c’est celle du contexte dans lesquelles on les reçoit, et de la manière dont on les gère, dont on les digère.

Qu’est-ce qui peut aider, justement, à bien les digérer ?

S’efforcer de prendre du recul. Autrement dit, ne pas gober les infos, les images en toute inconscience, mais être alerte par rapport à ce qu’on voit et surtout par rapport aux émotions que cela attise en nous : les exprimer, plutôt que de les étouffer ou de les rejeter. Au fond c’est regarder la télé et traiter l’information qu’elle nous donne avec un minimum de réflexion, ne pas se laisser aller au piège de l’avachissement passif qu’elle nous tend. Et en général, ce critère suffit pour nous faire passer l’envie de la regarder du matin au soir !

Le mystère du nocebo de Patrick Lemoine, éditions Odile Jacob

TV Lobotomie de Michel Desmurget, éditions Max Milo

Mode de vie, avec nous, comme tous les mardis, Anne Laure Gannac, rédactrice en chef adjointe à Psychologies Magazine, (3'19")