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Philosophie du fil de fer barbelé

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Philosophie du fil de fer barbelé Empty Philosophie du fil de fer barbelé

Message  ivo Sam 22 Fév - 8:32

Philosophie du fil de fer barbelé
http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/RAZAC/49559
A l’ère des caméras de vidéosurveillance, de l’identification biométrique ou encore du mobilier urbain dissuasif, on aurait pu croire le barbelé obsolète. Il reste pourtant largement utilisé dans le monde entier, même si, en Occident, où il demeure associé aux camps de concentration, on le réserve à des usages bien circonscrits. Inventorier ses multiples emplois ou ses substituts s’avère riche d’enseignements.

Inventé en 1874 par un agriculteur américain, Joseph Glidden, pour clôturer les propriétés des Grandes Plaines, le fil de fer barbelé est immédiatement devenu un outil politique de première importance. En moins d’un siècle et demi, il a tour à tour servi à enclore les terres des Indiens d’Amérique, à enfermer des populations entières lors de la guerre d’indépendance de Cuba (1895-1898) ou de la seconde guerre des Boers en Afrique du Sud (1899-1902) ; il a garni les tranchées de la première guerre mondiale, ou encore fourni la clôture incandescente des camps de concentration et d’extermination nazis.

Pour l’essentiel, le barbelé de type « Glidden » n’a plus que des usages agricoles. Lorsqu’il s’agit de repousser des hommes, on a recours au barbelé dit « rasoir » : de petites lames hérissées sur le fil central, qui peuvent à la fois couper et piquer l’intrus, remplacent les barbes. La forme de la lame change selon l’utilisation prévue, et peut relever de la simple dissuasion comme avoir la capacité de blesser mortellement.

La persistance d’un objet aussi peu élaboré peut surprendre. Dans un siècle de progression technologique fulgurante, alors que les produits dépassés encombrent les casses de la modernité, il reste assez efficace pour accomplir ce qu’on lui demande : délimiter l’espace, tracer sur le sol les lignes d’un partage actif. Dans ce rôle, il excelle. Sa légèreté a permis de couvrir des distances extra-ordinaires, sa souplesse de répondre à tous les besoins : protéger, fortifier, enfermer… Tout cela avec un fil de métal garni de petites pointes. L’écart entre la simplicité de l’objet et l’importance de ses effets montre que la perfection d’un outil d’exercice du pouvoir ne se mesure pas à son raffinement technique, que sa puissance ne passe pas nécessairement par une débauche d’énergie, ou encore que la plus grande violence n’est pas forcément la plus impressionnante.

Si le fil de fer barbelé a largement déserté le paysage des démocraties libérales — nous peinerions à l’imaginer cloîtrant les bureaux, supermarchés et jardins, ou utilisé par les forces de l’ordre pour bloquer les rues lors de manifestations —, il n’a pas disparu. Il reste utilisé partout, dans tous les pays, mais pas n’importe où. Autour des champs et des pâtures, à la campagne ; à la ville, au-dessus des murs des usines classées dangereuses, des casernes, des prisons et de certaines maisonnées inquiètes ; le long de frontières sous tension, sur les champs de bataille…

En cela, le barbelé fonctionne comme un révélateur de différences dans la gestion politique de l’espace. En effet, pourquoi est-il courant de le trouver au-dessus des murs de riches villas en Afrique du Sud, alors que cela « ne se fait pas » en France ? Pourquoi la police ou l’armée peuvent-elles facilement stopper des manifestants en déployant des rouleaux de concertina (1) dans la rue aux Philippines ou au Brésil, alors que nos gendarmes s’abritent derrière de minces boucliers de Plexiglas ?

La réponse est, au moins, triple. Il faut d’abord considérer le niveau de violence des sociétés en question. La fortification des résidences privées est ainsi à mettre en relation avec la brutalité des inégalités sociales, qu’elle contribue par ailleurs à durcir. Le niveau de sensibilité à la violence subie et perçue doit également être pris en compte. Dernier facteur, la variabilité géographique de la force évocatrice des outils utilisés : la perception du barbelé n’est pas la même en Europe qu’en Chine ou en Afrique, en particulier dans la mesure où il existe un rapport différent avec les objets historiques que symbolise le barbelé — les camps, le génocide.

Ces trois facteurs dessinent finalement une géographie politique du barbelé — laquelle ne correspond d’ailleurs pas aux découpages politiques plus conventionnels (démocratie versus dictature). La réponse à la question « barbelé ou pas barbelé ? » est un indicateur assez fiable de la technologie politique et du genre de rapports entre gouvernants et gouvernés.

Créer des jardins de rêve

Dans les sociétés occidentales, le recours au barbelé signifie l’oppression, eu égard à ses utilisations historiques catastrophiques. Ainsi, « les enceintes, les barbelés, les miradors, les baraquements, les potences, les chambres à gaz et les fours crématoires » du camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial comme le « symbole de la cruauté de l’homme pour l’homme du XXe siècle » (2). De manière éloquente, le logo d’Amnesty International, association fondée au Royaume-Uni qui combat l’enfermement et la torture, figure une bougie allumée entourée de fil de fer barbelé. Notons que la connotation négative peut s’inverser lorsqu’il s’agit de détruire le dispositif. En 1989, la Hongrie décidait de faire un pas significatif en direction de l’Occident : « Dans un geste symbolique, [le ministre des affaires étrangères] avait coupé, (…) avec son collègue autrichien, les fils barbelés qui marquaient l’emplacement du rideau de fer entre l’Autriche et la Hongrie (3). »

La forte charge symbolique du barbelé en a fait un outil d’autant plus coûteux politiquement qu’il existe une sensibilité exacerbée à la violence et un désir d’immunité des corps, opinions et affects. « Noli me tangere », « que personne ne me touche ! », dit l’expression latine. « Dans les sociétés occidentales, écrit le philosophe Alain Brossat, la croissance du paradigme immunitaire tend à se développer en véritable phobie du toucher, du contact (4). » Dans ce contexte, le barbelé représente une manière intolérable de répartir les corps dans l’espace. Le risque de subir le contact déchirant de ses pointes ou de ses lames ainsi que l’obligation d’en supporter la vision paraissent inacceptables. Pourtant, la protection de cette immunité suppose des ségrégations spatiales. Même dans les espaces où le barbelé est de plus en plus difficile à utiliser, les délimitations ne disparaissent pas : elles sont seulement plus discrètes, adoucies. Plus précisément, il existe un jeu d’opposition entre, d’un côté, des tactiques d’euphémisation de la violence spatiale qui nécessitent l’absence d’outils agressifs comme le barbelé et, d’un autre, la persistance de tactiques dissuasives qui s’appuient sur une brutalité visible.

L’euphémisation est d’abord une tactique de discours qui consiste à remplacer un terme par un autre qui dit indirectement la même chose. C’est ainsi que les frontières militarisées deviennent des « zones démilitarisées », des « zones tampons » ou des « barrières de sécurité ». Mais, loin de n’être que langagière, l’euphémisation est aussi esthétique, procédurale, technologique, architecturale, géographique. Prenons l’exemple des prisons pour mineurs construites ces dernières années : depuis l’extérieur, indique le ministère de la justice, « l’image carcérale est volontairement atténuée par un traitement architectural adapté garantissant une meilleure intégration à l’environnement (5) ». La violence spatiale s’exerce, mais en faisant l’économie du coût politique de son exercice direct et sans fard.

D’où l’engouement actuel, à la fois anecdotique et symptomatique, pour la clôture végétale. Une entreprise française, Sinnoveg, a déposé en 2005 le concept de « Haie Défensive Tressée Naturelle ». « Une innovation totalement environnementale, décorative et infranchissable », vante le dépliant publicitaire de la société. Grâce à un choix d’essences végétales aux épines particulièrement redoutables, cette barrière d’un type nouveau permet de créer un obstacle aussi efficace qu’une clôture barbelée, pour un coût proche et avec un rendu esthétique neutre, voire agréable. Comme du barbelé qui aurait l’avantage de fleurir au printemps…

Ainsi, « les sites sont protégés sans pour autant paraître agressifs, voire choquants, de l’extérieur ». Autre avantage de ces haies : elles sont adaptables et modulables. A côté des écoles, les végétaux qui les composent sont dénués d’épines ; ailleurs, les plantes servent à camoufler et à renforcer des clôtures classiques de barbelés et de herses. Dans ces maillages de fleurs et d’épines s’entrelacent tactique et poésie du pouvoir. Des jardins de rêve sécurisés : « Sinnoveg possède un savoir-faire pour créer des jardins de rêve, de repos en harmonie avec la maison et ses maîtres tout en leur offrant le confort de la tranquillité et de la sécurité par un concept décoratif et discret de clôture végétale infranchissable, ainsi que par des végétaux exceptionnels et uniques. »

Dans d’autres cas, l’euphémisation est au service d’une augmentation de la puissance répulsive. Elle consiste soit à camoufler des outils violents — la haie fleurie qui dissimule des grilles et des rouleaux de barbelé rasoir —, soit à masquer l’action même de délimitation afin d’attraper plus facilement ceux qui la transgressent. Bien qu’adoucis, les marquages de l’espace ne disparaissent pas : ils se modulent selon des besoins tactiques, en fonction d’un subtil équilibre entre l’efficacité de l’outil utilisé et son acceptabilité symbolique. Le barbelé ne s’effacera pas des sociétés occidentales, mais il ne sera plus utilisé que pour des niveaux de sécurité très élevés (prisons, camps militaires…), ou dans des situations où on pourra le cacher, ou encore dans des lieux reculés, peu habités. Dans les villes modernes, l’efficacité et la discrétion des délimitations sont plutôt obtenues par des moyens technologiques virtualisés : caméras, portails électroniques, senseurs…

La charge symbolique négative et inconsciente du barbelé peut, à l’inverse, agir comme un instrument de dissuasion, suivant le calcul — politique et pragmatique — qui décide de son utilisation. Ainsi, le quartier de New Wilmington, dans la banlieue réputée dangereuse de Compton, au sud de Los Angeles, a été enclos après des affrontements entre gangs. Tout y est : barbelés, pics, herses, barrières, chicanes, guérite, gardiens. « Les connotations militaires de l’architecture de ce dispositif de filtrage ne sont pas euphémisées. Bien au contraire, cette esthétique défensive (…) rend visibles la sécurité et le contrôle retrouvés de cette communauté (6). »

Méandres raffinés de la violence politique

L’aspect agressif de la délimitation sert ici à prévenir les tentatives de franchissement tout en produisant une différence hiérarchique entre deux espaces et deux populations. L’intérieur est valorisé (en particulier en termes fonciers) par l’apparence criarde de la sécurisation, en même temps que l’extérieur est dévalorisé et ses habitants désignés comme indésirables. Ailleurs, en revanche, dans une municipalité fermée de Californie réservée aux plus de 55 ans, l’agressivité de la clôture sert essentiellement à rassurer les habitants, sans reposer sur une véritable utilité opérationnelle : « Ici, l’apparence de la sécurité est plus importante que la sécurité effective (7). »

Toutes ces possibilités d’agencement des outils de délimitation de l’espace dessinent un éventail stratégique d’une grande richesse : multiplication et renforcement des limites grâce à leur allégement symbolique, mais aussi durcissement de la ségrégation grâce à leur brutalité, réelle ou spectaculaire. L’enjeu des divisions de l’espace aujourd’hui n’est pas binaire : il ne s’agit pas d’un « grand renfermement » dont le barbelé et la multiplication des frontières blindées seraient le symptôme, mais il ne s’agit pas non plus d’une simple libération de la circulation des flux grâce à l’utilisation de technologies virtuelles.

L’enjeu réside dans une diversification stratégique permettant tous les mélanges, toutes les articulations et toutes les ambiguïtés. Paradoxalement, un outil comme le barbelé, dont on pourrait penser qu’il focalise notre attention sur les enjeux archaïques de la violence — la visibilité d’une brutalité intense exercée sur la chair —, nous pousse au contraire à décaler notre regard. Les formes actuelles de la violence politique se reconnaissent moins à leur intensité manifeste qu’à leurs méandres raffinés.
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